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Voyage en Equateur et au Pérou, archives du 31/01/05 au 17/03/05

Bonne lecture!





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ARCHIVES:


  • 21/02/2005

    La moitié du Monde

    jeudi 03/02/05

    Lors de la visite du monument officiel de la Moitié du Monde, situé un peu au Nord de Quito sur ce qui est officiellement l'équateur, j'ai pu faire d'intéressantes découvertes.

    Primo, être situé sur cette ligne imaginaire ne fait rien, ce n'est pas douloureux, et ça ne change rien à la perception du monde. Elle pourrait être là, ou à 250 m, ou à 25000 km, cela ne se verrai pas. Ce que je constate ce jour là, c'est que ce qui importe, c'est le symbole que cela implique pour les visiteurs. Ce monolythe phalique d'architecture des années 30, savant mélange pompeux et bétonné entre réalisme stalinien et nazisme (notre Trocadéro n'est pas mieux) est sensé en imposer, et, de part sa taille et sa forme, est sans appel, "ici est la moitié du monde, ici, nous sommes à égale distance des deux pôles". Pour affirmer encore plus cette vérité, une ligne jaune est peinte sur le sol, socle en béton dans la continuité "esthétique" de l'ensemble, et représente l'équateur, la latitude zéro, avec une précision affichée de 0 secondes d'écart, zéro latitude... Cette ligne jaune définie donc péremptoirement la séparation des deux hémisphères. Son tracé est basé sur les travaux de la bande à La Condamine, mandée par le Roy de France en son temps (XVIIIe siècle) pour mesurer la longueur du méridien terrestre à l'équateur.

    La réalité est toute autre. Mon GPS m'indique 7.7 secondes d'angle d'écart par rapport à 00º00'00". Ce qui veut dire que l'équateur passe en fait plus au nord, à 250 m environ, et que La Condamine s'était trompé.

    Cette journée ne devait pas en rester là. Je marche un peu autour du site, et entre dans un bâtiment un peu à l'écart. Il abrite une salle d'exposition présentant des cartes, des maquettes, des schémas, et des objets d'artisanat. Vue de loin, une sorte d'écomusée. Un quidam se propose de donner quelques explications. Mon attention est attirée, j'entre, et apprend d'un coup des informations FONDAMENTALES pour la Géantropie. Cette exposition est celle du projet Quitsa-To, qui, dans la langue d'avant les Incas, signifie Moitié du Monde. Et contracté, la chose se transforme en Qui-To, ancien nom de la région, et nom de son actuelle capitale, dont on voit donc que l'origine ne date pas d'hier.

    La projet Quitsa-To a commencé il y a 7 ans suite à la découverte de la vraie moitié du monde, un site archéologique situé à trois kilomètres à l'est et les fameux 250 m au nord du monument, sur le sommet d'une montagne. Il s'agit d'une structure circulaire de 70 m de diamètre, dont le centre est exactement situé sur la latitude 00º00'00". De là haut, les observations pour déterminer les angles et azymuths de sortie et couché du soleil et des autres astres sont privilégiées. Il s'agit d'un lieu situé sur l'équateur, aux caractéristiques astronomiques si particulières (soleil au zénith aux équinoxes, et autres points singuliers), et l'un des seuls points imergés de cette ligne d'oú la visibilité sur des sommets hauts et précis soit si forte. Sinon, en plaine, la forêt équatoriale présente sur presque tout le pourtour immergé ne le permet pas. Ainsi, tout vient des Andes, cette chaîne si mythique...

    Le projet s'est développé, et de nombreuses découvertes ou re-découvertes ont été réalisées. Notamment en matière de représentation du monde de mille manières différentes dans les civilisations pré-incas. On trouve un symbole très fort représentant une sorte d'étoile symétrique à huit branches sur de nombreux objets d'artisanat. Et que voit on? Que les traits de cette étoile sont inclinés à 23.5º par rapport à l'horizontale. Cette photo du logo du projet est explicite:



    Ce dessin représente les points de sortie sur l'horizon et les trajectoires du soleil aux quatre moments clés de l'année (sachant que les deux équinoxes se superposent) vu depuis la moitié du monde, ainsi que les perpendiculaires à l'écliptiques aux mêmes périodes. Et l'angle clé est de 23.5º, soit, à 3 centièmes de degré près, l'angle de l'axe de rotation de la Terre par rapport à son plan orbital mesuré par les moyens modernes. Une révolution! Et on retrouve ce schéma sur de nombreux objets d'artisanat de l'ensemble des Andes!! Ainsi, la Géantropie, qui s'intéresse à toutes les formes artistiques de représentation de l'espace s'enrichit d'un coup de découvertes sensationnelles. Le projet Quitsa-To ne s'arrête pas là, ses autres découvertes de la même veine sont multiples, et tiennent à peine dans un CD-ROM très bien fait et très riche que m'ont aimablement offert les personnes de ce projet en échange d'une promesse de partenariat appuyé. Ce projet compte un archéologue, un historien, un ingénieur systèmes d'information géographiques, un astronome et un ethnologue. tous de l'université de Quito. C'est un projet indépendant tout comme l'est la Géantropie, mais cependant tres avancé en comparaison du peu de moyens dont ils disposent.

    Plus d'informations viendront plus tard compléter ce texte à la suite d'une étude détaillée du CD-ROM.

    Voir les photos du monument et de la salle d'exposition


  • 21/02/2005

    Le volcan Ruco Pinchinca

    dimanche 06/02/05

    Ce jour là, ascension d'un volcan situé juste au-dessus de Quito (à 4700 m). Le sommet n'a pas été atteind pour cause de mauvais temps tombé par surprise sur la face finale. Nous en fûmes bons pour faire demi-tour, mais les paysages furent particulierement jolis.

    En voici pour preuve les photos


  • 21/02/2005

    Le lac de Cuicoche

    mercredi 09/02/05

    Avec mon ami Philippe venu de France pour deux semaines m'accompagner dans ce voyage (un autre Philippe que celui qui hante mes récits d'Amérique Centrale, rencontré au Mexique, celui-là est un ami de dix ans), nous avons eu la chance, ce jour là, de voir le lac de Cuicoche, un bijou. Je n'avais pas été autant émerveillé par la nature que depuis mes immersions autour de l'île d'Utila, en octobre, oú je découvrais la folie du monde sous-marin.

    Un lac situé à 3100 m, dans un ancien cratère, avec deux îles au milieu, anciennes cheminées volcaniques, entouré de montagnes. La végétation était aussi folle que les coraux d'Utila, et l'eau aussi pure mais plus profonde et plus froide. Les mots ne suffiront pas, je ne me sens pas assez inspiré, je passe la parole aux photos


  • 06/03/2005

    Merveille

    Un truc qui est sorti tout seul aujourd'hui dans un bus, lors d'une enieme pause incongrue (les latinos en sont ferus):

    Merveille d’un chevreau apprenant a monter sur le dos de sa mere
    Merveille de la mere, patiente, se laissant totalement faire
    Merveille d’une baignade dans un lac

    Merveille d’un so(u)rcier francais venu il y a cinq ans dans tout le Perou pour decouvrir les sources d’energie, constater que les sites de Chavin et de Cusco etaient remplis de vibrations et que celui de Macchu Picchu en etait depourvu
    Merveille d’une jeune peruvienne de dix ans aux yeux noirs, au visage radieux, d’une beaute bientot fatale, pour le moment totalement innocente
    Merveille des latinos, croyant fermement en ce qu’ils disent, quand bien meme la moitie n’est que fantastique fantaisie
    Merveille d’une baignade dans les vagues violentes du Pacifique

    Merveille du pieton, presque bouscule par une voiture reculant sans regarder, simulant l’accident, et venant boiter devant le conducteur, hillare
    Merveille de l’architecture multimillenaire de Chavin, se riant des seismes devastateurs
    Merveille de ces pierres chargees d’Histoire, et d’histoires qu’on aimerait bien qu’elles nous content
    Merveille de ces galeries, dont la configuration, la forme, et la texture de leurs parois filtrent les sons des cascades dans une musique cabbalistique, envoutante et puissante
    Merveille d’une baignade dans les coraux multicolores des Caraibes

    Merveille d’un bus arrete sur la route pour quelque obscure raison et de ses passagers attendant patiemment et calmement
    Merveille de leurs sourires
    Merveille d’etre invite par un pecheur inconnu a partager ce qui lui sert de toit et a partager aussi ce ceviche de poissons fraichement peches et offerts par ses collegues, ce ceviche qui restera a jamais grave dans ma memoire
    Merveille de se souvenir
    Merveille de s’emerveiller
    Merveille d’une baignade dans un torrent

    Merveille de decouvrir chaque jour de nouvelles choses
    Merveille de s’en souvenir et de pouvoir les comparer avec d’autres nouvelles choses merveilleuses decouvertes
    Avant
    Ou plus tard
    Merveille de voir un ciel chaque nuit differemment etoilé
    Merveille d’etre perdu, de ne plus reconnaitre une seule etoile
    Merveille des arbres fous, noueux, tortueux, aux fruits etranges, aux lianes debordantes, aux racines surprenantes, sans cesse inventant de nouvelles formes
    Merveille des fleurs sophistiquees et imaginatives
    Merveille d’une baignade dans une cascade

    Merveille du sourire sincere d’un enfant
    Merveille du vent, de la nuit, de la montagne
    Merveille du vent en montagne, a la nuit
    Merveille du Huascaran, haute paroi de blanc, sommet noble et sur de lui
    Merveille du parfum de la Terre le soir tombant sur les champs
    Merveille d’une baignade dans notre Planete


  • 10/03/2005

    La porte était ouverte

    Le Cotopaxi...

    Tout un programme. Cotopaxi veut dire "demeure du dieu du royaume des morts". C'est un volcan, actif, mais peu actif, et haut (5897 m). Bien que situé à peu près à un degré de l'équateur, soit 60 miles nautiques, ou encore 111 km, il est sacrément enneigé, recouvert d'une chape de glaciers crevassés et séraqués (je ne sais pas si ça se dit). Certains disent qu'après le Chimborazo (6200 m), qui est le point culminant de l'Equateur, il s'agit du second point du globe le plus près du soleil. Encore faut-il qu'on soit à midi, et ce, l'unique jour oú la Terre passe au périgée de son ellipse autour de l'astre sacré. Car oui, la Terre ne décrit pas une orbite circulaire, mais légèrement elliptique (excentricité non nulle, tu m'étonnes vu ses habitants malades), ce qui fait qu'entre le périgée et l'apogée, il y a plusieurs centaines de milliers de kilomètres d'écart. De plus, cette information reste à vérifier, car certes, le rayon de la Terre est plus grand à l'Equateur, mais l'Everest est quand même sacré et sacrément haut, et pas si haut en latitude que cela, si bien qu'il ne perd pas tant en distance sommet - centre de la Terre. Un calcul analytique serait de rigueur. Equation d'un ellipse, s'il vous plait? (car oui, la Terre est un ellipsoïde).

    Mais je m'égare. Revenons à nos lamas, ici, dans les Andes.

    Je contacte un tour operator, avec un guide et le prêt du matériel que je n'ai pas, car ce voyage n'est pas une expédition d'alpinisme, tout est resté chez moi en France ou au Vieu Campeur, pas encore acheté. Le prix: correct. Nous partons sous la pluie, le dimanche 27 fevrier en 4x4 vers le point de départ de la montée au refuge. En effet, après une semaine de grand beau sur Quito, d'oú l'on pouvait admirer en bavant la cîme immaculée du Cotopaxi, il pleut et le ciel est si bas qu'un flamand se perdrait. Je suis en colère.

    Dans le groupe, il y a deux guides et deux autres personnes. Des français. Je me surprend à être encore capable de parler français. L'un des deux guides est Juan, il sera mon compagnon de cordée. Les deux frenchies vont avec l'autre dans une cordée de trois.

    Après plus de 4 heures de routes, et des milliers de chaos, le 4x4 stoppe. Nous descendons, nous sommes sur un parking rempli de voitures, il y a même une 206, comme quoi, les 4x4 peuvent être de la frime ailleurs qu'en ville, même si la piste était défoncée. A moins que Peugeot soit vraiment fort. Nous sommes à 4500 m, et il fait frisquet. Le temps est bien meilleur qu'à Quito, ce qui me ravit, évidemment. Nous faisons les sacs, et montons tranquillement au refuge. Le refuge est censé être à 4800 m, la hauteur du toit de l'Europe, Caucase excepté, ce qui donne une estime de 300 m de dénivellé pour ce premier jour. Moi, j'estime la montée à 200 m. Peu importe. Toujours est-il que j'arrive vite au refuge, contrairement aux deux français, venus pourtant spécialement pour moins de deux semaines en Equateur pour "faire" le Cotopaxi, et sortant de trois jours de randonnée dans le secteur pour l'acclimatation à la haute altitude. J'arrive en pleine forme au refuge, et eux sont crevés. Je m'inquiète quant à leurs chances de succès pour le lendemain.

    Au refuge, je passe plus de temps à discuter avec les equatoriens venus pour la journée toucher la glace qui se trouve à proximité du refuge, avec les russes (si, LES russes) et avec les tchèques qui sont là qu'avec mes deux "compatriotes" particulièrement français avec qui je ne partage pas grand chose. Gràce à ces derniers, j'ai malgré tout un plus: j'ai une idée de ce que sera mon retour en France. Quant aux equatoriens, ils sont super chaleureux, évidemment. Les russes, très russes aussi, et c'est un réel plaisir de les entendre parler et d'essayer, d'essayer seulement, de parler avec eux en russe. Je rencontre un groupe qui revient tout juste du sommet et qui s'apprête à descendre au parking. Plus tard, je rencontre un autre russe, seul, Sacha, venu de son pays natal, la Lettonie (mais il est russe), il y a trois mois, pour refaire sa vie ici, et monté seul au refuge, prévoyant de rester la journée du lendemain au refuge pour s'acclimater, et de monter seul au sommet le surlendemain. Ce baroudeur a passé l'année dernière a arpenter toute l'Amérique Latine en vélo dans les Andes puis en pirogues dans le labyrhinte fluvial du bassin amazonien. Avec les tchèques, nous parlons malheureusement en anglais. Nous parlons évidemment de Pragues, et de voyages en motos qu'ils ont fait en France. Entre l'anglais, le russe, l'espagnol et le français, j'arrive à peu près à jongler, malgré l'altitude mont-blancesque. Je me sens prêt pour demain.

    En attendant, nous partons pratiquer un peu d'école de glace sur le glacier voisin, je me retrouve sur un glacier après si longtemps. Depuis mai 2004! Je suis aux anges. Cependant, les exercices fatiguent vite, à cause de l'altitude.

    Vient ensuite le repas magnifique concocté par Juan, mon guide. Puis sièste, puis nouveau repas. Puis nous nous couchons à six heures (de l'après midi, non, ce n'est pas une blague), pour nous lever à minuit. Départ prévu: une heure du matin, en deux cordées indépendantes. Sommet prévu pour six heures et demie si on est très en forme. Moi, je me sais en forme, je pense que c'est tout à fait jouable. Ce qui est plus dur, c'est de s'endormir essoufflé. On finit par y arriver, mais les rêves, à cette altitude, sont encore plus décousus. Pour changer, je rêve de ma prof de maths de prépa, qui m'a définitivement traumatisé, mais elle est professeur de lettres modernes, dans ce rêve.

    Minuit, debout! Sacha, qui est à côté, est réveillé par le bruit, et me taxe une aspirine tant il a mal à la tête. Et ce n'est pas à cause des travers qu'on a tendance à attribuer à ses compatriotes. C'est juste le mal des montagnes. En échange, il me donne quoi? Des russkie konfeti!!! Ces bombons russes me poursuivront donc jusqu'au fin fond de l'Amérique Latine!!! Ceci dit, il faut préciser que c'est dans des lieux comme des refuges de hautes montagnes andins qu'on retrouve les rares touristes russes, tchèques, et polonais. En huit mois, je n'en avais pas croisé un seul (à part une polonaise au Costa Rica). Ces gens de l'est sont toujours fourrés en montagne. C'est là qu'on les retrouve.

    Je m'habille, pantalon chaud, pantalon de montagne, baudard, etc... Puis vient le petit déjeuner de minuit, dur à avaler, puis Juan et moi sommes prêts, nous sortons. Dehors, un peu de brume, mais on voit la lune et les étoiles, lesquelles ne me disent absolument rien tant je ne suis pas familier de ces latitudes. Nous commençons à monter d'une traite, sans attendre les autres, qui désormais vivront leur vie, et sans l'espoir de les revoir durant la montée, vue la différence de forme. Il est 1h05, je me fixe l'objectif secret de monter les 1100 m restants de ce volcan en 4h, tablant donc sur une arrivée au sommet vers 5h. Je me sais en grande forme, en grande confiance, la neige est parait-il en bonnes conditions, j'ai une grande motivation, je pense que mon propre objectif est tout à fait réaliste.

    Première partie, la montée jusqu'au glacier. Nous cheminons rapidement sur le sentier, la lune est forte, une seule frontale suffit à éclairer la route. Je trouve vite mon rythme au niveau du souffle, tout se passe bien. Je repense à mon ascension du Pico de Orizaba, au Mexique, en 2000, à 5700 m. Je retrouve la même énergie due à l'excitation de grimper un 5000.

    5000 m. Glacier. Nous mettons les crampons, sortons les piolets, et nous encordons. Nous ne passons pas plus de cinq minutes à faire tout cela, je n'aime pas boulétiser pour ce genre de pauses techniques obligatoires, en haute montagne. Nous repartons dans le crissement des pointes d'acier attaquant la glace et les graviers qu'elle charrie. Dès les premières minutes, nous frolons de magnifiques crevasses éclairées par la lune. Puis, rapidement, nous arrivons au pied d'une pente longue et raide. Il s'agit d'une pente à 40º sur 500 m, jusqu'à 5500 m. C'est la partie dite décisive. Si elle est trop éprouvante, adieu le sommet! Si elle est bien négociée, sans trop de perte d'énergie, alors il y a une chance de finir les 400 m restants jusqu'au sommet. Nous attaquons droit dans la pente, pas à pas, en soufflant bien. Le guide avance régulièrement, et je suis, régulièrement, sans fatigue. Très vite, nous atteignons le milieu de cette grande pente qui me fait penser au glacier des Grands Couloirs de la Grande Casse, qui, lui, m'avait achevé. La qualité de la neige fait toute la différence. Aux trois quarts de cette montée, nous faisons une première pause, pour boire. Pas plus de deux minutes. Nous repartons. A 5400 m, la pente se fait un peu moins raide, la partie décicive est derrière nous et je peux dire que je l'ai croquée. A 5550 m, nous faisons la première réelle pause, entre deux séracs, à l'abris du vent. Thé chaud, bombons russes, eau, pipi, veification de l'horaire. Il est 3h20, nous avons monté les premiers 750 m en un peu plus de 2h. Le guide écarquille les yeux, puis estime d'une part que le sommet est presque acquis, et d'autre part que nous y serons même peut être vers 5h. Il reste 350 m.

    La partie qui suit est la plus belle et la plus facile car la moins raide. Nous montons peu, jusqu'à 5700 m, à travers un chaos d'énormes séracs de toute beauté, sortes de morceaux de Titanic pris dans les glaces, éclairés par la lune et dégoulinant de stalagtites de crystal. Nous contournons de larges, profondes, obscures et inquiétantes crevasses. Finalement, nous arrivons à 5700 m, à un point que les guides appellent par un nom compliqué que je n'ai pas réussi à retenir, qui est un peu le second point décisif. Si, ici, on ressent déjà fortement les symptomes du mal des montagnes, il est inutile de continuer. Si en revanche, le mal est léger, le sommet est pratiquement acquis. Je sens un léger bourdonnement dans les oreilles, un essoufflement terrible, la tête me tourne un peu, mais je me sens largement capable de conclure, malgré l'allure de la phase qui suit: une face très raide se présente devant nous. En y allant doucement, je devrais y arriver.

    Petite pause préventive, et nous attaquons, piolet en mode escalade, tenu par le manche, crampons sur les pointes avant. Nous commencçons à nous élever. C'est immédiatement très éprouvant. A 5800 m, je commence à me sentir mal. Le souffle me manque, j'ai la nausée. A cet endroit, il faut contourner une immense crevasse. Je suis érinté, et très concentré. J'assure le guide qui passe en premier, puis c'est mon tour. J'ai la tête qui tourne. Nous repartons pour l'ultime assaut. 100 m. Les 100 m parmi les plus durs de ma vie. Jusqu'à ce point là, ou disons jusqu'à la barre des 5700 m, je suis monté vite et sans réelles souffrances, ne connaissant que l'essoufflement. La barre des 5700 m passée, à partir de la montée raide, j'ai passé ma barre. Chaque alpiniste, à chaque ascension, a "sa" barre. Pour moi, ici, cette fois-ci, ce fut 5700 m, ce qui est plutôt haut, heureusement. Depuis, j'ai réellement senti les effets de l'hypoxie. Chaque pas de cet assaut final est une souffrance, j'ai envie de vomir et sens ma lucidité vaciller. Ces 100 m, aussi raides que les 100 précédents, durent une éternité. Nous faisons des pauses tous les 40 m de dénivellé, et durant ces moment plus faciles, assis dans la neige, sans rien faire, je ne parviens pas à reprendre mon souffle. Je me force à boire pour me réhydrater, ce qui est très important. Je mâche un bombon russe. Mâcher, juste mâcher, est un effort pénible qui essoufle au plus haut point. Ce qui n'aide pas, de surcroît, c'est que dans toute cette partie, le cratère juste au dessus nous balance des produits sulfurés dans la figure. Les vapeurs de souffre descendent subreptiscement, sournoises pour empêcher un peu plus l'accès au cratère. Mes pauvres poumons qui n'en peuvent plus n'ont pas besoin d'elles. A chaque fois que nous repartons, les trois premiers pas se font facilement, grâce au repos, mais tous les pas qui suivent sont de nouveau un supplice. La dernière pause est effectuée à 5 m du cratère, à la fin de la raideur. Nous effectuons ces cinq derniers mètres de denivellation sur un trajet presque plat, déjà sur la crête entre la pente et le cratère. A un moment, il n'y a plus de terrain plus haut que le point que nous atteignons. Nous sommes sur un extremum local, mais "local" à grande envergure. Nous sommes arrivés au sommet. Le cratère est là, sur le côté, énorme, béant, profond, encore plus impressionnant que celui du Pico de Orizaba. Peut être aussi à cause de mon état particulièrement faible qui dégrade mes perceptions, et à cause de la nuit. Mais c'est magnifique, la lune relève encore plus la magie du lieu. Cependant, le manque d'oxygène et le froid nous empêchent de rester ici, en ce lieu décidément trop hostile, pour attendre le levé du soleil. Il est 4h45 (le guide est fou) mais du coup, nous raterons un spectacle certainement de toute beauté. Mal visé. Nous devons redescendre, d'urgence. En tout, nous ne passerons pas plus de 5 minutes au sommet. Je suis chassé de cette zone par le mal des montagnes, qui, de minute en minute, dégrade gravement mon état général. J'ai une envie permanente, indélogeable, de vomir.

    Nous commençons la descente sous les étoiles bienveillantes. Je devine que la mienne est là, parmi elles. Mais redescendre me coûte presque autant que la montée. Chaque pas m'essouffle terriblement, et j'ai peur de faire une faute de cramponnage. Une glissade, et c'est la gerbe assurée. Je ne voudrais pas maculer les neiges éternelles du Kilimandjaro, euh, non, du Cotopaxi, scintillantes sous la lune. Descendre jusqu'à 5700 est un enfer long et éprouveant. Mais dès cette fameuse barre des 5700, je retrouve un état bien meilleur. Je peux respirer mieux, je n'ai plus envie de vomir. A 5600, au milieu des paquebots de glace, nous croisons les tchèques et leur guide. Enfin, il n'est plus si urgent de descendre malgré le besoin de faire une vraie pause, et nous profitons de ce croisement pour tous se reposer et discuter un peu. J'arrive à parler avec les guides et avec les tchèques, donc en espagnol et en anglais, j'ai retrouvé ma lucidité. J'arrive de nouveau à boire et à manger. Descendre au plus vite n'est plus une idée fixe. Je prends mon temps. Le groupe nous apprend que les français sont redescendus. Ils ont fait demi-tour vers 5500 m.

    Nous repartons. Je suis beaucoup mieux. Nous arrivons à la pente raide, que nous dévalons de 5500 à 5000, en ramasse, presque en courant, j'ai de nouveau une bonne forme. L'aube pointe son nez, et je m'arrête parfois pour contempler le spectacle sur cette si belle pente. Nous sommes en vue du refuge, il fait encore nuit, lorsque le guide me refélicite sur notre performance, me disant que le mieux qu'il avait fait auparavant avec un client était autour de 5 heures de montée. Je suis flatté, certes, mais me sens très stupide d'avoir raté le levé du jour au sommet, et même, de revenir au refuge presque de nuit: je n'aurai pas pu prendre une seule photo, malgré le clair de lune. A la sortie du glacier, nous retrouvons les français, se reposant d'avoir enlevé leurs crampons. Leur guide est également très surpris de notre temps, et me félicite lui aussi. Décidément, n'en jetez plus. Ce qui compte, c'est de voir le levé du jour au sommet, non? Il n'y a rien à féliciter dans mon cas. Les français sont un peu décus, la pente décisive a décidé pour eux, et les a punis d'être venus dans un pays juste pour "faire" le Cotopaxi, sans soucis de la vie dans ce pays, et sans bonne préparation physique faute de trop travailler. Je ne pleurerai pas sur leur sort, un 5900, volcan sacré de surcroit, ne se prend pas par dessus la jambe. La porte fut ouverte pour un court moment, j'étais là, je suis entré. Pas eux.

    Voir les photos du Cotopaxi


  • 10/03/2005

    Cuenca, une merveille architecturale

    Cuenca, située au sud de l'Equateur, est réellement magnifique. Des églises à tout va, et de splendides édifices.

    Ces photos de la ville parleront d'elles-mêmes, je l'espère.


  • 10/03/2005

    Le Pérou

    Le voyage continue, avec:
    - une invitation spontannée par un pécheur dans le nord, au bord du Pacifique, à partager ce qui lui servait de maison pour une nuit, et à découvrir les merveilles culinaires du Pérou.
    voir photos
    - le vol de mes chaussures de montagne dans un bus de nuit alors que je dormais. Pas de photos.
    - la visite d'un site archéologique important, très vieux, datant de plus de 3000 ans, bien avant les ancètres des Incas, le site de Chavin, près de Huaraz, la capitale de la Cordillière Blanche, qui abrite des beautés comme le Huascaran (6700 m) et l'Alpamayo (5947 m), considérée comme la plus belle montagne du monde. Huaraz est en ce moment le siège d'un important conflit entre les habitants et la police à propos d'une mine d'or canadienne situé dans la région, qui a extrait des milliards de dollars d'or en 14 ans, et n'a pas payé un seul sol d'impôts. Le gouvernement ferme les yeux, alors, le seul moyen d'action est le conflit dur (les impôts se montent à 225 millions de dollars, soit de quoi développer toute la région). Certaines photos prises à mon retour du trek à l'Alpamayo (v. plus bas) témoignent de loin des affrontements semi-violents entre policiers non entrainés et manifestants déterminés lors d'un barrage routier qui m'a forcé à ajouter 5 ou 6 km de rab de marche à pied sur la route fermée à ma dernière journée de trek déjà bien dure.
    voir les photos de Chavin et de Huaraz
    - un trek de trois jours, donc, en solo, pour aller saluer l'Alpamayo, comme il se doit. Cet accident géographique (qui est aussi un sentiment, comme dirait Gaston, pas Lagaffe mais Rébuffat) est aussi beau que sauvage. Il ne se laisse voir qu'au prix d'une dure marche d'approche de deux jours. Et encore, s'il fait beau. Quant à le gravir, certains s'y sont essayés... mais soit ils sont morts, soit ils sont forts. C'est une montagne in-fai-sa-ble. Et savoir si c'est la plus belle du monde, je ne sais pas. Je l'ai trouvée belle, magnifique, mais je l'ai vue sous un ciel gris, et par la face sud, qui n'est pas la plus prestigieuse. De plus, j'estime que personne n'a le droit de dire que c'est la montagne la plus belle du monde. C'est très prétentieux, car cela implique qu'on a vu les millions (eh oui, les millions) de montagnes qui peuplent ce monde. Et la Meije reste la Meije, restes de chauvinisme? J'ai effectué ce trek en camping, seul, donc, et j'en suis revenu fatigué mais apaisé. Très salutaire, donc. En 38 heures, au milieu du trek, je n'ai croisé que deux autres êtres humains: un australien et son guide, qui faisaient le tour complet (qui consiste en une boucle, mais moi, j'ai juste fait l'aller retour jusqu'au pied de l'Alpamayo). Il a plu une bonne partie du temps.
    v. photos du trek


  • 16/03/2005

    Les lignes de Nasca

    Si l'on se réfère à la page qui parle du projet en Amérique Latine sur ce même site, on y voit 6 jalons géantropiques majeurs.
    Il s'agit de Teotihuacan, de Palenque, du Canal de Panama, de Nasca, du Salaar d'Uyuni, et d'Ushuaïa.
    Si on se réfère aux archives du Mexique et du Panama, on constatera que les trois premier jalons ont été vus. La semaine dernière, le site de Nasca a été visité.
    Les lignes étranges dessinées au sol, représentant des figures géométriques ou animalomorphes, que les spécialistes appellent à juste titre géoglyphes sont connues dans le monde entier. Elles ont plus de mille ans d’existence, ne se voient pas depuis le sol, seulement depuis le ciel. Elles ont été réalisées pas le peuple précolombien de Nasca, mais n’ont été découvertes que dans les années 30, par les premiers survols effectués sur la région de Nasca. On dénombre plusieurs dizaines de dessins figuratifs, antérieurs aux lignes géométriques, qui, elles, se comptent par milliers. Auparavant, il y avait bien plus de dessins figuratifs, mais les dépôts d’alluvions ont énormément dégradé le sol d’il y a mille ans. De plus, l’accélération de l’activité humaine n’a pas amélioré la situation, notamment par la construction de la Panaméricaine en plein milieu du site, passant parfois à quelques dizaines de mètres seulement de certaines figures, un peu comme l’A6 traverse Fontainebleau… et les exemples de ce type sont malheureusement pléthore.
    Parmi les dessins les plus connus, il y a le colibri, le singe, le condor, le cosmonaute, la baleine-tueuse ou orque, le lézard, l’arbre. Mais il y en a d’autres. Cependant, le jaguar pourtant représenté dans toutes les cultures précolombiennes ne figure pas au rang des figures répertoriées. Peut être a-t-il été effacé par les alluvions ?
    Les lignes ont été survolées en Cessna Centurion, en place droite, au levé du soleil pour un maximum de contrastes, mais les photos ne sont pas très claires. Seul le colibri, la figure la plus connue, a été relativement réussie.
    Les hypothèses sur la raison de tous ces dessins et de toutes ces lignes géométriques sont nombreuses. Certains archéologues avancent qu’il s’agit d’une offrande au Dieu Soleil, d’autres qu’ils ont une signification astronomique, d’autres qu’ils représentent des parcours précis qu’il fallait suivre lors des cérémonies religieuses, d’autres, enfin, qu’il s’agit d’un complexe réseau d’irrigation.
    Quant à l’origine de ces dessins, les hypothèses les plus fantaisistes ont été avancées, jusqu’à supposer que ces lignes auraient été construites par les extra-terrestres, ou suite à leur venue. Non. Les habitants de l’époque de Nasca connaissaient la topographie, et les systèmes de mesure. A l’aide de plans et de sortes de chaînes d’arpenteur, ils ont pu réaliser des dessins géants, dont les plus grand mesurent dans les cent mètres, sans en avoir de vue d’ensemble, avec des proportions tout à fait respectées. Leur technique était bien rodée.

    Nasca se situe en plein désert. Or, je n’avais jamais réellement marché dans un désert. Les uniques déserts que j’avais arpentés le furent en voiture, dans l’Ouest des états-unis. Ainsi, lors de mon séjour à Nasca, j’ai pu, pour la première fois, écouter le silence de la Terre et me confronter à la nudité géologique. Ce fut une expérience très forte également. Nasca fut en tout point un lieu très intéressant et riche en sensations spatiales.

    Voir les photos des lignes et du désert


  • 16/03/2005

    Machu Picchu

    Avant d'en dire plus, je voudrais préciser:
    - que j'ai failli snober ce site,
    - que Machu Picchu se prononce en français Matchou Piktchou, et qu'il peut s'orthographier aussi ainsi: Machupicchu,
    - que, avec les fonds marins d'Utila, c'est ce que j'ai vu de plus grandiose dans ce voyage pour le moment.

    Imaginez les innombrables photos que vous pouvez voir dans tous les restaurants latinos, dans toutes les agences de voyage, dans les hotels, etc... Souvent la même photo, vue depuis les hauteurs du site, avec des terrasses et un immense pic vert en arrière plan. Vous vous dites: "c'est joli, mais j'ai un peu peur que ce soit surfait. J'ai peur d'être un peu déçu, les photos sont souvent trompeuses." Vous aurez alors à la fois tord et raison. Raison car les photos, oui, sont trompeuses. Tord, parce que justement, elles sont trompeuses. Elles ne rendent en rien, mais alors ce qui s'appelle en rien, la majesté et la beauté du site.

    Imaginez alors maintenant ce qui va suivre. Des montagnes, à perte de vue, recouvertes de jungle. Une vallée étroite et profonde, au fond de laquelle bouillonne un torrent furieux impraticable en quoi que ce soit, tempête continuelle de boue et d'écume. A un moment, le torrent décrit une belle courbe autour d'un pic situé 800 m plus haut. Le pic est relié au reste du massif par une sorte de col. Lorsqu'on est à ce col, on voit donc devant soit ce pic, on entend et entrevoit à sa gauche et à sa droite en bas, le torrent remuant, et derrière soit, on a le reste des montagnes. Tout autour de la courbe que décrit le torrent, de l'autre côté, d'autres montagnes, raides, aux formes chaotiques et touffues, décrivent un immense cirque, disparaissent dans les nuages, et laissant échapper par endroits de hautes cascades. Un décord qui n'existe que dans les films de SF ou dans les rêves les plus fous?

    Ce pic, c'est le Waynapicchu. Picchu, en Quechua, veut dire montagne. Le torrent, c'est le rio Vilcanota, pourtant pas canotable, je le répète, j'insiste! Et le col, cette portion de terrain un peu moins raide, relativement, c'est la citadelle Inca de Machupicchu. Machu veut dire vieille, donc on a là une "Vieille Montagne".

    Cette ville est immense! Les photos ne montrent que très peu, ou ne donnent qu'une vague impression. Les terrasses se superposent à l'infini, les ruines s'enchevêtrent dans un labyrhinte d'immense blocs de pierres dont les formes s'épousent parfaitement, les édifices disparaissent derrière des collines d'autres édifices. Et en arrière plan, oú que l'on regarde, dans la brume du matin qui termine de se dissiper, dépassent des pics et des pics et des pics. Des pics, que dis-je? des titans à poils verts, la tête dans les nuages.

    Le Waynapicchu se gravit par un chemin hardu mais sécurisé, très raide. De là haut, la vue sur la courbe que décrit le torrent, sur le cirque de montagnes qui se dressent derrière, sur le site lui-même, loin en contrebas, est absolument divine. Il y a d'ailleurs au sommet de ce pic également de nombreuses ruines. Mais comment diable ont-ils fait pour construire des chateaux cathares, des monastères orthodoxes, des forteresses d'assassins et des observatoires si haut perchés, les hommes d'il y a plus de 500 ans? Ici, cette question est plus que jamais d'actualité.

    Je suis resté plus de dix heures sur le site, parfois cheminant durement sous un soleil de plomb ou sous une sale pluie du matin, parfois faisant la sieste sur une des innombrables terrasses agricoles aux murs de soubassement éléphantesques, en compagnie des sympathiques lamas brouteurs, à peine réveillé par les touristes moins nombreux que je ne le pensais, parfois contemplant les mille et unes vues qu'offre ce lieu, parfois discutant avec deux colombiens qui se sont rencontrés par hasard l'un l'autre au sommet du Wayrapicchu, parfois cheminant tout doucement, contemplatif, entre les hauts murs qu'aucun séïsme ne saurait coucher. J'ai vu le site au lever du jour, puis dans la brume, puis sous une pluie battante, puis sous les nuages, puis sous le soleil de l'après midi. A chaque fois, magique.

    Je cède la parole aux photos

    Il s'agit d'une sélection, seulement. Il fut difficile de choisir, tant j'en ai. Il y a quelques photos de la route suivie à pied par la voie ferrée la veille pour arriver à la ville située au pied du site, et quelques photos de Cusco, qui, elle, par contre, m'a un peu déçue.

    Moralité: ne snobez pour aucun pretexte ce lieu incroyable, au contraire. On peut venir au Pérou juste pour voir Machupicchu.





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