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Voyage au Guatemala, archives du 29/08/04 au 21/09/04

Bonne lecture!

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  • 02/08/2004

    La toponymie des rues du Guatemala

    Je viens de laisser mes amis Rosendo et Mar. Le voyage seul commence maintenant. Pendant les 4000 km environ que nous parcourumes ensemble, nous avons passe une bonne partie du temps a demander notre chemin, l'unique carte que Rosendo avait prise etant une carte aeronautique du Mexique et du Nord du Guatemala, ce qui n'etait pas suffisant.

    Les indications de direction sont presque toujours bonnes. Les indications de temps assez juste, et les indications de distance souvent fantaisistes, sauf en ville, ou l'unite est le bloc, puisque toutes les villes sont en damier. Exemple, deux blocs par la, puis a gauche, et c'est a un bloc et demi sur votre droite. Ce systeme est un peu comme une grille de projection d'un pas d'environ 100 m, oriente selon un angle par rapport aux points cardinaux variant entre -20 et +20 degres, pas plus, qui permet aux gens d'avoir des sortes de couples de coordonnees pseudo cartographiques dans leur ville. Un referentiel relatif, en quelque sorte. Pour se representer cet espace, nul besoin de carte, le cerveau humain etant facilement capable de retenir des nombres de blocs et 4 directions.

    Ceci est valable aussi au Mexique.

    Sur les routes du Guatemala, il y a tres peu de panneaux directionnels. Et en villes, une seule plaque de rue a chaque carrefour, si bien qu'on ne la voit que si on est du bon cote du carrefour. De toute facon, les noms des rues sont absolument depourvus de poesie: les rues orientees E-W sont des "calles", rues, et sont numerotees de 1 a n. Une sur deux est passante vers l'Est, l'autre vers l'ouest. Les rues perpendiculaires (N-S) sont les "avenidas", et suivent les memes principes de numerotation et de circulation.

    En realite, c'est un peu plus complexe, car certaines ont deux noms. Par exemple, la 5eme rue a Guatemala Antigua (l'ancienne capitale, tres belle au milieu des volcans) s'appelle aussi "rue de la noblesse". Mais personne ne retient ces noms, c'est bien plus facile de retenir un numero, ou de l'extrapoler ou de l'interpoler (selon), vu qu'ils se suivent dans un ordre logique. La facilite au service de l'apoesie. On est loin, ici, de la rue du chat qui peche, ou de la rue de la Grande Truanderie (v. mon article a ce sujet). Bref, simple et efficace.

    A suivre: comment, pour un tout petit bout de route manquant, a 20 km de la frontiere entre le Guatemala et le Belize, il a fallu faire un detour de 1000 km.
    Et aussi, a venir: la zone libre de Chetumal, entre les deux frontieres du Belize et du Mexique, un espace commercial a vivre une fois dans sa vie.


  • 05/09/2004

    Le volcan Tajumulco

    Une excursion de deux jours au volcan le plus haut d'Amerique Centrale, culminant a 4200 m au dessus du niveau des Caraibes ou du Pacifique, au choix, a donne les photos que voici.

    Je crois que vu les photos, il est inutile que je raconte comment ca s'est passe ni que je dise que c'etait extraordinaire (pour changer, ca devient lassant a force, tous ces superlatifs...). Alezivoar, vous en reviendrez changes...

    Par contre, ces photos, comme toutes les photos, qu'elles soient numeriques ou argentiques, ne conduisent pas la chaleur. On ne peut donc pas se representer integralement comment etait le lieu simplement par la vue de ces images. Je vous suggere de les regarder dans une chambre froide avec des ventilateurs puissants, pour faire du meme coup le vent et la temperature. Dormir a 4000 par ces conditions est une experience... Le pire, c'est que j'ai dormi. Mais je dors facilement.

    Pour le bruit, il y avait le vacarme du vent dans les toles ondulees mal fixees, trouees et rouillees qui constituaient ce qui devait etre le toit de l'abri ouvert dans lequel le guide avait plante la tente. La peur que tout cela finisse sur cette derniere m'a gene pour dormir, un peu, quand meme.

    Voir les photos du volcan.


  • 13/09/2004

    Le Santa Maria, un espace sacre

    Voici le recit de l'ascension du volcan Santa Maria, realisee hier samedi 11 septembre 2004.

    Ca y est. Le reveille se manifeste. Il est donc 4 heures. Je me depeche de l'eteindre, pour ne pas reveiller tout le dortoir de la Casa Argentina, qui est plein a craquer cette nuit, ils ont meme rajoute des matelas hier soir, lorsque j'etais entrain de me coucher, vers les 9 heures. Oui, couche a 9 heures, ici, au Guatemala, ce n'est pas choquant. Ils sont trop en avance sur le soleil dans ce pays. a midi, le soleil a passe le zenith depuis des luz, euh, des lustres.

    J'eteinds mon reveil, je suis en forme, relativement. J'ai dormi six heures et demie, mais ca va, meme si bien sur, je dormirais bien encore un peu. Le temps de m'habiller, et un autre reveille sonne plus loin sur ma droite. Ce doit etre celui de Ryan. En effet, dans la penombre, je le distingue qui me fait un coucou de la main. Je me leve, et pars reveiller Daniela, qui n'a pas de reveil. Pour une allemande qui va devenir juge ou avocat, c'est surprenant. Mais bon, les surprises, quant on voyage comme ca, on apprend vite a les apprivoiser. Il en faut plus pour m'emouvoir. Elle se leve directement, comme Ryan. Personne ne traine. A croire que le Santa Maria motive.

    Dans la cuisine, je prepare le petit dejeuner. The, cereales, lait, pains sucres divers. Je suis vite rejoint par une autre allemande, Tina, puis par Ryan, et Daniela. Yorin, la hollandaise, arrive peu apres. Nous mangeons assez silencieusement, et rapidement. Yorin a l'air bien stressee par l'horaire.

    Nous partons. Dans les rues de Xela (Quetzaltenango, Xela est le nom Maya de la seconde ville du pays), il y a deja des gens qui marchent, mais peu. Ils n'ont pas l'air de revenir de soiree. Certaines voitures commencent a circuler au loin. Nous nous faisons la reflexion qu'en Europe, a cette heure-ci, dans une ville de cette envergure, il y a plus de monde dans les rues, mais des gens qui rentrent chez eux, pas qui sortent de chez eux...

    En haut, au dessus de nous, il y a deja des nuages, mais certaines portions du ciel nous montrent le fin croissant de la lune et Venus, toujours aussi brillante. Une vraie star, celle-la. Mais ces nuages ne laissent rien presager de bon. Il faudra faire vite.

    Nous arrivons a la place centrale, ou un unique taxi attend d'hypothetiques clients noctambules. Le chauffeur dort. Nous le reveillons. Nous nous installons, un peu tasses: nous sommes tout de meme cinq passagers, et sa voiture ne depasse pas une 405 en volume. Je dirais meme qu'elle est un peu plus petite. Mais bon, sous ces latitudes, etre a six dans une berline ne pause absolument aucun probleme, ni aux autorites, ni aux chauffeurs, ni aux passagers, ni meme aux amortisseurs, qui en ont vu bien d'autres...

    Apres vingt minutes de route cabossee, le taxi nous depose au point de depart. Nous attaquons directement. Je connais le premier tiers de la montee pour avoir explore les lieux en eclaireur trois jours avant. Je guide donc le groupe jusqu'a un col. Cette premiere partie se fait d'abord de nuit, mais tres vite le soleil se leve, pour disparaitre immediatement derriere les nuages deja trop bas qui sont au dessus de nous. Nous montons relativement vite. Je m'inquiete un peu pour la suite, je ne connais pas le niveau d'entrainement physique des gens de ce groupe. Leur vitesse excessive au depart ne presage rien de bon. Ca sent l'inexperience a plein nez. Je tente de moderer l'allure, restant un peu en arriere, mais tres vite, mes propres moteurs, qui mettent d'habitude une bonne heure a chauffer, tournent a plein regime. C'est que j'en suis a mon quatrieme volcan en dix jours. Alors, gagne par l'allure generale, je suis. Trop vite, nous parvenons au point ou j'avais fait demi-tour la premiere fois, parce qu'il etait trop tard, que j'avais toutes mes affaires du voyage, et qu'il menacait de pleuvoir. Nous y faisons une pause.

    C'est ensuite que les choses se compliquent. Je pense, sur de moi, que le Santa Maria est sur notre gauche, derriere le contrefort qui domine ce col, et que la montagne situee a notre droite est autre chose. Nous cherchons donc un chemin allant sur la gauche. C'est fastidieux. Apres trois quart d'heure a contourner ce contrefort en descendant legerement, et en doutant fortement, nous decouvrons une vague sente qui monte droit dans la pente, droit dans la vegetation dense. Ne voyant la que le seul chemin vers ce que nous croyons etre le Santa Maria, n'ayant pas d'autre choix, nous tentons de passer par la. La sente est presque impraticable. Tres raide, totalement embroussaillee, parsemee de rochers a escalader, de plantes ou de branches d'arbres a enjamber ou a tailler, elle nous ereinte litterallement. Je reste devant, je fais la trace, je me croirais dans une galere en ski de rando, lorsqu'il faut passer dans les ajoncs, les skis sur le sac, qui s'accrochent partout dans les branchages sournois, et qu'on s'enfonce dans la fraiche parfois jusqu'a la taille. Comment perdre toute son energie en dix lecons... Derriere, ca commence a souffler. Je me sens un peu confus, responsable du groupe, et j'espere une issue rapidement. Yorin a l'air de plus en plus stressee. Les autres sont tres calmes, sereins, et nous essayons de la calmer. Mais je deteste mentir. Or, lorsqu'elle me demande combien de temps il reste, je lui reponds: "si nous trouvons le vrai sentier, deux heures, sinon, trois heures a continuer comme ca". Elle palit, rougit, bleuit, dans l'ordre horizontal des couleurs de son plat pays. Puis elle nous annonce que c'est impossible, qu'elle n'est pas venue pour perdre son temps dans ce genre de betises, qu'elle doit ABSOLUMENT IMPERATIVEMENT etre au sommet avant onze heure, ou elle a rendez vous avec un amigo. J'ai dit qu'on doit apprivoiser les surprises en voyage. Je ne m'etonne donc pas, mais je lui dit qu'en montagne, ce genre de rendez vous est risque. On ne sait jamais a quelle heure on arrive au sommet. Et je la rassure, vu qu'il est sept heures et demi. Normalement, ca devrait passer. Nous continuons a monter. La sente fait vraiment n'importe quoi, et nous passons par des endroits bien scabreux. Des pentes instables, des broussailles tres touffues par dessus des rochers absurdes, et meme, parfois, nous perdons la sente tant tout cela ne tient qu'a un fil. Mais au bout d'un moment, je finis par deboucher sur un replat. Je regarde autour, pour voir ou la sente continue. Et la, je constate que nous sommes deja au sommet. Mais apres meme pas une heure de montee tres lente par cette sente, alors meme que nous etions redescendus depuis le col, pour contourner cette montagne. Et je leve la tete. De l'autre cote du col, au dela de la cime des arbres qui m'entourent et qui me bouchent la vue, je devine le cone parfait du Santa Maria. C'etait bien la montagne qui etait a notre droite au col. L'endroit ou nous sommes est le sommet du contrefort que nous voyions depuis le col, mais contrefort de rien d'autre que de lui-meme. Derriere, il n'y a pas de montagne. Il faut donc revenir au col, et monter sur cette montagne en face de nous. Il est huit heures. Lorsque Yorin constate ce desastre, elle se met a pleurer. Elle craint de ne jamais avoir le temps ni l'energie pour arriver au sommet, et y arriver avant onze heures. Son ami le guide sera parti. Ami? Vu son etat, c'est un "amigo con derecho", comme on dit ici. Ami avec des droits... Elle nous explique que pour rien au monde elle ne doit manquer ce rendez vous, et nous fait toute une scene d'hysterie comme quoi elle n'aurait jamais du monter ici, sans guide, que c'est son dernier volcan, et plein de paroles inconsequentes du meme genre. Situation difficile et interessante a gerer pour l'apsychologue que je suis. En plus, je me sens tres mal, j'ai amene dans une galere tout un groupe suite a une erreur stupide d'orientation, erreur que je pouvais eviter par trois manieres differentes, mais je ne m'en rendais compte qu'apres coup. Ah, comme je regrette de ne pas avoir rentre les coordonnees du sommet dans mon GPS, lesquels coordonnees j'avais laisses a la Casa Argentina, tant j'etais sur de trouver le chemin. Je prenais une double claque: erreur d'orientation, et surete indue et imbue de moi-meme. Bonne lecon. La prochaine fois, je me fierai plus a ce que disent les indications sur les sites internet, a ce que dira mon GPS, a ce que dira la logique du terrain, plutot qu'a une foi aveugle en mon sens de l'orientation, qui se degrade d'annee en annee.

    La sente continue vaguement le long de la crete du contrefort de lui-meme. Nous la suivons, puis tracons directement dans la pente a hauteur de ce que nous pensons etre le col. Je continue a faire la trace. Je descends en marche arriere, debroussaillant le basard avec mon sac a dos. Je bulldoserise tout ca. Apres un quart d'heure, nous arrivons au col. Je suis tout vert, et le chemin derriere nous est ouvert. Un tunnel dans la jungle epaisse de ces trois mille metres humides. nouvelle pause, au meme endroit. Et la, nous prenons le sentier qui monte, que j'avais depuis longtemps repere, mais que j'avais denigre, puisqu'il montait sur ce que je pensais etre la mauvaise montagne.

    Il est huit heures et demie et j'estime le sommet a deux bonnes heures de montee, vu le denivelle restant (presque 800 m) et la fatigue generale du groupe apres cet interlude dans les branchages de pres de deux heures. Yorin n'en peut plus, elle est toujours aussi anxieuse de rater son etrange rendez-vous. Mais dans la montee, lors d'une des inombrables pauses, qui nous croisons? Le guide d'Adrenalina Tour, celui qui m'avait prete un sac a dos pour que je laisse mes affaires au bureau du tour, pendant que je partais faire le Tajumulco (v. plus haut) avec un autre guide. Et Yorin de se jeter dans ses bras. Apprivoiser les surprises. Donc. Elle veut redescendre avec lui. Mais lui ne l'entend pas de cette oreille. Il est en train de s'entrainer avec un copain, un certain William, tres sympa aussi. Ils descendent en courant du sommet pour la seconde fois de la matinee, et comptent remonter et redescendre en courant une troisieme fois d'ici une heure ou deux, le temps d'arriver au village tout en bas et de remonter. Je precise qu'en denivelle positif cumule, ca fait 3600 m. Ce sont des guides... Apprivoiser la surprise...

    Nous continuons la montee, de plus en plus raide, de plus en plus haute, de plus en plus exangue en oxygene. Dans la derniere partie, nous doublons des locaux locos qui montent en sabots, en sandales, et, pour les femmes, en jupes traditionnelles. Hommes et femmes de tous les ages. Les plus vieux montent presque en rampant, et les plus jeunes sont portes dans le dos des meres, emmitouffles dans ces si beaux tissus traditionnels. La plupart de ces villageois luttent vraiment pour monter, d'autant que le sentier, qui monte bien evidemment tout droit dans la pente, est de plus en plus raide. Il faut parfois enjamber des racines tres hautes, ou des troncs d'arbres morts, tombes au milieu du chemin. Mais certaines femmes montent vraiment vite.

    Sur le dernier quart d'heure, je change de rythme, lasse de le casser a coup de courtes pauses pour attendre les autres. Le chemin est tout droit, il n'y a plus de doutes, ils me retrouveront au sommet. J'ai hate d'en fini avec cette montee penible. Turbo. Sommet. Nuages, deja. Rate. Il est dix heures et demi. Au sommet, les premiers villageois du groupe sont deja la. Ils sont a genoux, face contre terre, et psalmodient en espagnol (alors qu'entre eux ils parlent leur langue), appelant Dieu de toutes les manieres possibles. La plupart sont en transe. Moi, je m'assieds sur un rocher, au dessus des zones d'herbes grasses et parsemees de mille et une fleurs ou prient ces fervents allumes. J'ai une vue panoramique sur les nuages, j'ai l'impression d'etre dans un vaisseau spatial dans les nuages. C'est une atmosphere irreelle. Tout autour de moi, legerement en dessous, des gens prient en transe, sur le sommet du volcan, a presque 3800 m. Je ressens des energies qui viennent de partout. J'ose a peine me mettre torse nu, pour faire secher mon tee shirt trempe, ne voulant pas profaner cette ceremonie. Je le fais quand meme, mais je mets ma chemise polaire tout de suite, malgre le soleil. Car, oui, il y a du soleil. Les nuages sont tout autour de nous, mais pas au dessus. Ce qui ajoute encore plus au cote irreel du lieu. L'endroit est donc sacre, les villageois viennent tous les week end faire un sacrifice (ils montent sans boire et sans manger, et viennent prier des heures durant au sommet de la montagne). Et ca se sent, surtout avec ces nuages tout autour. C'est tres impressionnant, mais du coup, la vue, qui est sensee etre la plus belle du Guatemala nous aura echappe. Nous ne verrons pas les 17 volcans qui peuvent se voir du sommet quand il n'y a pas de nuages, nous ne verrons pas le Santiaguito, juste au dessous du Santa Maria, de l'autre cote de Xela, et son enorme panache de fumee, l'un des volcans les plus dangereux du monde. Nous ne verrons pas le Pacifique, tout au loin, nous ne verrons pas le Chiapas, de l'autre cote. Tant pis. C'est la saison des pluies, il ne faut pas l'oublier. C'est tout de meme un peu rageant de se rendre compte que si nous etions arrives plus tot, au hasard deux heures plus tot (corrolaire: si je n'avais pas commis cette ###### de faute d'itineraire), nous aurions pu voir toutes ces merveilles. Mais la, il est definitivement trop tard. Les autres arrivent, nous commencons a manger, et rapidement, les deux guides croises durant la montee reviennent, couverts de sueur. Nous discutons avec William, vraiment tres sympa et tres interessant, pendant que l'autre, Edwin, par avec Yorin derriere le sommet... Ils reviennent trois quart d'heure plus tard environ, le temps reglementaire... Je me dis que le lieu sacre, il en a certainement pris un coup. Nous profitons bien du soleil et du repas, lequel nous partageons avec William, assoiffe et affame (tu m'etonnes!!). William a 24 ans, mais connait deja plein de choses, tient sa propre agence de tourisme sportif a Xela, et projette d'aller faire le Mont Blanc l'an prochain. Rare de voir un local (loco aussi, celui-la) avoir la possibilite de se payer un billet d'avion transatlantique. Ca me rejouit le coeur. Que le vaya bien!

    Les premieres gouttes de pluie et les premiers coups de tonnerre donnent le signal du depart. Les pellerins ne s'en emeuvent pas le moins du monde, et nous les laissons a leurs prieres et leurs chants incantatoires, qu'ils psalmodient depuis maintenant des heures.

    La descente se passe de commentaires. Chiante, comme toutes les descentes. Racine, boue glissante, poussiere, genoux qui peinent, cuisses qui brulent. Pause au col, pour la troisieme fois, puis finale sur le village, pendant laquelle nous marchons avec un guatemateque tres sympa venu se promener sur les contreforts (du volcan, cette fois) avec sa famille. Trois rencontres guatemalteques authentiques, non corrompues par l'argent, en une demie journee, ca s'arrose.

    Ce qui est fait avec une biere bien fraiche, des la premiere boutique du village. Il n'y a pas a dire, c'est pour trois choses qu'on fait des treks. La biere a l'arrivee, enlever les chaussures, prendre une bonne douche. Dans l'ordre qu'on veut, sauf entre les chaussures et la douche, quoique des fois, quand on est suffisamment defonce par la fatigue et la (les?) biere(s), on peut intervertir...

    Les photos viendront plus tard.


  • 22/09/2004

    le Mirador du Santiguito, du monde sur la coulée de lave

    Voici un extrait de mon carnet, écrit à mon retour du Mirador du Santiaguito, un des volcans les plus dangereux du monde, totalement interdit, qu'on peut observer du sommet du Santa Maria (on a échoué lorsque nous y étions, car il y avait déjà trop de nuages) ou d'un autre endroit, ce fameux mysterieux mirador (mirador en espagnol veut seulement dire point de vue, n'y voir aucune connotation concentrationnaire).

    .../ La jungle est dense et très humide. Je continue à marcher au pas de course. Au bout d'encore une heure, je suis à bout. Définitivement cramé, d'autant plus que le chemin s'est rétrécit, puis est devenu un réseau de minuscules sentes qu'on devine à peine dans l'épaisseur des bananiers et des lianes qui font vraiment n'importe quoi aujourd'hui. Trop d'imagination. Je choisis de continuer encore un peu. Il n'y a plus de chemin, je suis couvert de boue, d'herbes fraîches et de sueur. Je suis trempé, fatigué, j'ai froid et j'ai soif. J'avance fort lentement, et chaque mètre percé dans ce mur de végétation m'arrache des litres de sueur. Je m'imagine dans cette même jungle il y a seulement quelques semaines, lorsque je n'avais pas encore démystifié la chose, et oú j'avais peur de poser la main sur le moindre tronc d'arbre. Maintenant, j'ignore royalement tout ce qui peut piquer ou mordre. J'en fais tout simplement abstraction, au point que je n'y pense même pas. Je me dis que je pousse encore jusqu'à cet endroit là-bas, qui a l'air un peu plus dégagé, et si je ne vois rien, je ferai demi-tour. J'y parviens, au prix de nouveaux efforts. A travers les feuillages, je distingue à quelques dizaines de mètres le mur de pierres de la coulée de lave solidifiée que j'appercevais d'en bas, il y a une heure. Une sorte de moraine de glacier, mais encore toute fumante, d'une épaisseur de plusieurs dizaines de mètres, entaille nette dans la jungle verte et touffue. Mon moral s'en ressent à la hausse. Je vire à ce cap, et ouvre ma voie comme un bulldozer jusqu'au pied du mur. Je débouche devant la pente, raide et escarpée, faite de pierres de toutes les tailles. Je commence à la gravir. Les pierres roulent sous mes pieds, brisant d'un coup le lourd silence du lieu. En haut, c'est un véritable spectacle de désolation. La lune pour pas cher. Une sorte de décharge de la Terre. Des débris rocheux sont anarchiquement entassés tout autour de moi, de toutes les tailles, de toutes les couleurs, surtout noir et blanc, et fument en moults endroits. L'ensemble forme un ama d'amas, une montagne de collines de pierres vomie quelques années auparavant deux kilomètres en amont. Je lève la tête dans cette direction, mais le ciel est très bas, la couche s'est soudée pendant ma marche d'approche dans la jungle. Je suis à la limite du plafond nuageux, le cratère du Santiaguito n'est plus visible aujourd'hui, et je ne parle même pas du Santa Maria, sensé être derrière. Ce brouillard qui plane au dessus de ma tête augmente l'hostilité du lieu. Tout autour de ces débris, de cette moraine de glacier fumante, c'est la jungle et son bouillonnement de vie. Les oiseaux semblent être les seuls êtres vivants à s'aventurer dans cet espace de non-vie. De gros vautours viennent se poser sur un rocher aux formes étranges et pointues, à dix mètres de moi. Je me dis qu'à part eux, je suis le seul autre animal à venir dans les parages. Le cadre est désert, je ne vois pas une seule trace de civilisation, pas la moindre sente, qui traduirait une activité humaine, oú que mes yeux se portent. En bas, c'est la plaine, son canyon, sa jungle. Les plantations de café et de bananiers, les chemins, et le village sont plus loin, au delà de la brume de l'humidité qui règne sans partage sur toute cette partie plus basse du pays. Je me dis que peut être aucun être humain n'a encore marché sur cette partie de la coulée de lave. Le mirador, je ne sais pas oú il est, peut être plus haut, dans les nuages, de toute façon, j'ai perdu le chemin. Mais ici même, qui est venu avant moi?

    Je m'installe, enlève ce qui reste de mon tee-shirt anciennement blanc et sec. Je suis frigorifié. Je m'assieds à côté d'une pierre suitante d'humidité, toute fumante. La vapeur d'eau soufrée qui s'en échappe me caresse le dos, c'est délicieux, malgré l'odeur acide du soufre. Je reste assis longtemps à me réchauffer, à me restaurer, à prendre des photos, et à reprendre mon souffle. Ma quiétude est parfois troublée par différents bruits insolites. D'abord, il y a le sifflement de l'air sur les bords d'attaque de tous ces petits oiseaux qui planent tout autour. Comme à la Nariz [ndsm: un volcan sur lequel je suis monté quelques jours avant avec Philippe, dominant le lac Atitlan, et en forme de nez d'indien couché], mais avec, en plus, le sifflement du plané des vautours, nombreux et volant à basse hauteur. Ensuite, il y a parfois, derrière le brouillard au dessus de moi, des craquements étranges, des éclats de tonnerre, des roulements de pierres, comme en montagne l'après midi. Je me dis que le monstre est juste derrière, qu'il ne faut pas trop le déranger. Je me fais plus petit. Et enfin, j'entends d'autres bruits de roulements de pierres, cette fois-ci tout près de moi: ce sont plein de mignons petits quadrupèdes qui passent en meute à une quinzaine de mètres. Des sortes de lémuriens, mais ce n'en sont pas, je ne suis pas à Madagascar. Ils ont une longue queue rayée de bandes blanches, le pelage marron, un long nez trop mignon, des taches blanches autour de leurs grands yeux. Ils sont adorables, mais dès qu'ils remarquent tous en même temps ma présence, ils font feux des deux museaux en quelques foulées et disparaissent derrières d'autres amas de pierres. Je me dis qu'à part les oiseaux et ces lémuriens, je suis le seul être vivant ici. Je marche un peu, avec précaution (ce n'est vraiment pas le moment de me fouler un truc), en prenant soin de ne pas trop m'éloigner de mes affaires à cause du brouillard qui pourrait s'intensifier à tout moment. Je découvre une très belle toile d'araignée couverte de perles de rosée, entre deux rochers. Je me dis alors qu'à part les oiseaux, les lémuriens et les araignées...

    Plus loin, je prends d'autres photos. Je reviens, le plafond a un peu monté. Le "glacier" au dessus de moi se dévoile peu à peu. Mais le cratère reste désespérément inaccessible. En bas, tout au loin, je vois le village et les plantations, à quelques six ou sept kilomètres de jungle. Je reste encore un peu, espérant une plus grande éclaircie. Je m'allonge un peu. Dans la minute qui suit, le ciel s'obscurcit de nouveau, mais non de nuages. Ce sont des dizaines de vautours qui ont remarqué que je ne bougeais plus, et qui planent au dessus de moi. Il y en a décidément beaucoup trop. Je décide de me rassoir, et de bouger, genre, "eh oh, pas tout de suite, là quand même, je me porte bien, regardez, je peux même me mettre debout." Je tourne la tête. Je vois sur un rocher une jolie chenille jaune fluo, avec des antennes rouges. Je me dis qu'à part les oiseaux, les lémuriens, les araignées et les chenilles... bon, en fait, il y a du monde sur la coulée de lave!

    Voir les photos de l'endroit


  • 22/09/2004

    photos de la mer, de Xela, et du lac Atitlan

    Depuis hier, je suis au Salvador. J'ai finalisé la décision de m'y rendre hier à 12h58, derrière le guichet des bus, alors que l'unique bus de la journée partait à 13h. Arrivé dans la gare routière, à Guatemala City, trois minutes avant, je ne savais rien de tout cela. en quelques minutes, je me suis donc retrouvé dans un car vers un pays dont je ne savais presque rien, à part le fait qu'il ne fallait pas y aller. C'est presque ça qui m'a décidé: je voulais me faire une idée par moi même sur ce pays à la mauvaise réputation. Je me méfie des mauvaises réputations. Je suis sûr qu'il y a autre chose derrière, en tout cas, je veux en avoir le coeur net (tant qu'il continue à pomper le sang dans mes artères, certes....). Je promets de faire attention. Mon arrivée hier soir à San Salvador, la capitale, à la tombée de la nuit, s'est bien passée, et aujourd'hui, j'arpente les rues et découvre ce nouveau pays. Clair que je suis le seul clair de peau, le seul touriste. Les autres touristes qui étaient dans le bus ont tracé tôt ce matin vers le Honduras, et même plus loin. Sur tous ces touristes, nous étions au moins 4 à nous rendre en Argentine, je dis au moins, car je n'ai pas discuté avec tout le monde. L'un d'eux, mexicain fort sympathique (comme la plupart de ses congénères) de Mexico City (DF), anthropologue, se rendait en bus jusqu'à Cordoba, au Sud de l'Argentine, oú l'attendait sa fiancée... marrant... Il compte y être dans une vingtaine de jours, lui. Nous avons discuté une bonne partie du trajet, comme il se doit.

    Les photos de Xela (rues et ascension du Santa Maria) et de la côte Pacifique du Guatemala se trouvent ici.
    Les photos du lac Atitlan et de ses gueuletons royaux se trouvent ici.


  • 22/09/2004

    Hay que Caminar, une chanson dans l'esprit du voyage

    Il y a trois jours, a Monterrico, une plage assez touristique sur la côte Pacifique oú il n'y a rien à faire d'autre qu'à tenter de se baigner dans les magnifiques rouleaux, j'ai fait la connaissance de deux français, vivant à Guatemala City. Ils étaient venu passer leur énième week end là-bas, pour profiter de la plage, qui est chouette, rien à dire là dessus. Denis est officiellement prof de maths au lycée français (il espère dans deux ou trois ans aller à celui de Bogota), mais surtout musicien. Il compose des chansons en espagnol, très belles et très entraînantes, chante, et joue à peu près de tout, sauf les vents. Aude est juriste, mais travaille ici comme prof à l'alliance française. Elle l'accompagne à la contrebasse. Ils ont une superbe baraque, remplie d'instruments de musique, toute en angles et en jeux de lumières, qui donne envie d'être architecte. Ils m'ont ramené à Guatemala City le dimanche soir. Le but était de me laisser au terminal de bus, pour que je retourne à Antigua, une ville touristique et donc moins cher (ici c'est le contraire), située à une heure, que je connais déjà bien. Il y a même des photos d'antigua ici.

    Arrivés au terminal, il pleuvait des cordes. Ils m'ont proposé de passer la nuit chez eux. Le lendemain, ils m'ont proposé de rester une journée et une nuit de plus, puisque je devais traiter les 80 photos de mon appareil numérique, et qu'ils avaient un PC et internet. En échange, je leur ai fait la bouffe. Le soir, ils ont répété. Ils s'entrainent pour donner bientôt un concert dans un bar, avec un autre français, à la guitare cubaine. Ay! Comme ils m'ont fait regretter de ne pas savoir jouer quoi que ce soit. Un jour, j'aurai ma revanche!! L'une des chansons que Denis a composé se nomme "Hay Que Caminar". Il l'a écrite il y a déjà longtemps, à Seville, lorsqu'il faisait un DEA de mécanique des fluides. Depuis, elle a connu des arrangements multiples. Je ne livre ici, sous l'accord de Denis, que les paroles. La musique restera secrète. Ces paroles sont les siennes, prière de ne pas les copier. Pour moi, cette chanson s'inscrit totalement dans l'esprit de ce voyage géantropique et latino-américain. L'air est un mélange savamment dosé entre flammenco et salsa. Un régal.

    Hay Que Caminar

    Si no Sabes a donde vas ¡Hay Que Caminar!
    No te Preocupes.
    Si no Sabes Porque Hay Que Caminar
    No te eches la culpa

    Hay Que Caminar (x4)

    Caminando por el Campo caminando por la Ciudad,
    Caminando por la Noche Caminando por el Dia;
    Solo o siguiendo Gente,
    Es que siempre tienes que Caminar.

    Hay Que Caminar (x4)

    Cada uno su Camino cada uno su Meta
    Uno a comprar Tabaco uno encima de la Sierra.
    Lo unico que importa ¡Hombre!
    Es siempre volver a Caminar.

    Hay Que Caminar (x4)

    Caminando por el Prado
    Al brazo de su Esposa,
    O corriendo como un Soltero
    Que se va siempre siempre de marcha;
    Ciudadano del Congo, de Francia, de Bolivia
    Quiza al final del Camino se encuentre tu Querencia,
    Por eso no te pares, no escuche la Maldad,
    Abre tus brazos mi Hermano y tranquilo Camina...

    Hay Que Caminar (x4)

    Denis Tamarelle

    Je les ai quittés hier matin, et m'en suis allé au Salvador




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